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Couverture de la brochure éditée en 1989 pour le bicentenaire de la Révolution.

Couverture de la brochure éditée en 1989 pour le bicentenaire de la Révolution.

Mon professeur d'Histoire de première, que nous adorions et appelions "Papa Dauge", nous disait avec conviction en détachant bien les syllabes : "Il faut dé-na-po-lé-o-ni-ser la France !", tant l'emprise du mythe napoléonien sur les esprits lui paraissait injustifiée et nocive.

Les événements des dernières semaines autour du thème de la "réforme territoriale" - réservée à "la province" après qu'on eût prudemment réglé d'abord le cas du Grand Paris et de quelques grandes villes - m'ont remis en mémoire une brochure de 82 pages éditée par Ar Falz1 pour le bicentenaire de la Révolution :

Paris accapareur !
Pour une déparisianisation de la Révolution française

Jeune auteur universitaire lors de la parution de l'essai, l'historien allemand Wolfgang Geiger2 y met sous une lumière vive, à travers les documents de l'époque et dans les travaux des historiens et politiciens français d'hier et d'aujourd'hui, la création presque immédiate du mythe de la naissance parisienne de la Révolution française, naissance qui aurait lancé aux villes et aux campagnes le signal devenu fameux : "Le changement, c'est maintenant !".

W. Geiger n'a aucun mal à démontrer que les provinces, villes et campagnes du Royaume - notamment dans le sud-est et en Bretagne - n'ont pas attendu le signal de Paris pour réaliser des révolutions communales (Lorient) ou s'attaquer aux châteaux et aux symboles de l'oppression aristocratique, plusieurs mois avant la prise de la Bastille, sur la base de revendications clairement sociales qui seront plutôt édulcorées par la suite dans des assemblées "nationales" plus représentatives de la bourgeoisie et de la capitale que du peuple paysan, artisan et ouvrier qui avait fait une part décisive du travail en s'organisant sur place.

L'Histoire officielle ne parle généralement de Révolution qu'à partir du 14 juillet 1789, et évoque pour la période antérieure des "troubles" souvent qualifiés de passéistes. Ces "troubles" ont pourtant assez inquiété la bourgeoisie pour la conduire à prendre les choses en mains à Paris et à faire rentrer le pays bon gré mal gré dans l'ordre dont elle rêvait pour son propre compte.

Et grâce aux jacobins, historiquement nés dans l'esprit de cette entreprise, nous y sommes encore passablement englués...

De "grands révolutionnaires" ont naturellement signé pour Paris :

Robespierre, reprochant aux révolutionnaires des provinces de s'en prendre à  Paris : "Paris n'est qu'une espèce de rendez-vous général, qu'une fédération continue et naturelle, qui se renouvelle sans cesse, des citoyens de ce vaste État ; ce n'est point une cité de 600 000 citoyens que vous accusez ; c'est le Peuple français, c'est l'espèce humaine, c'est l'opinion publique et l'ascendant invincible de la raison universelle",

ou Danton, très simlement : "Paris est le centre constitué et naturel de la France libre. C'est le centre des lumières".

[Évidemment, compte tenu de ces spécificités locales, ce serait beaucoup demander à ces messieurs que de donner comme ça, au débotté et par exemple, un avis dépassionné sur la réunification de la Bretagne !...]    

____________________

(1) - Mouvement d'enseignants progressistes créé en Bretagne entre les deux guerres, qui publie de nombreux ouvrages de qualité à travers les Éditions Skol Vreizh, dont la toute récente et remarquable Géographie numérique de la Bretagne, accessible gratuitement sur le site de l'association.

(2) - Auteur de nombreux ouvrages et publications dont, en 1999, L'image de la France dans l'Allemagne nazie, elle aussi remarquablement documentée et décapante.

Tag(s) : #Histoire
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