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fra and mcoIl est de bon ton, chez certains Bretons, de s'émouvoir d'une "fracture" entre l'ouest et l'est de la Bretagne. Cette fracture appellerait en toute priorité un rééquilibrage volontariste entre Haute et Basse Bretagne, et une ferme résistance au métropolisme de la Haute-Bretagne (je simplifie).

Cette vision des choses repose sur des réalités auxquelles il ne faut pas tourner le dos. Mais elle comporte surtout une bonne part d'illusion d'optique.

Je n'ambitionne pas de traiter l'ensemble de cette question dans un article de blog. Mais je souhaiterais qu'on n'oublie pas quelques changements importants intervenus depuis ...deux siècles, en Bretagne et ailleurs. La prise en compte de ces changements modifie en effet radicalement la perception qu'on peut avoir de la "fracture" est-ouest en Bretagne, et invite à dépasser une approche trop sommaire de sa réduction.

Depuis le premier recensement fiable de sa population (en 1800), la France a vu sa population multipliée par plus de deux (de 29 à 65 millions d'habitants, soit 2,2) et sa population  urbaine passer d'un à six habitants sur huit. La combinaison des deux phénomènes (doublement et urbanisation) s'est traduite en moyenne par la multiplication par plus de douze du nombre d'habitants vivant en ville.

Cela ne veut pas dire que les "villes urbaines" françaises de 1800 ont vu leur population multipliée en moyenne par douze : un certain nombre de villes et villages ruraux sont en effet devenus urbains au cours des deux siècles (ex : Saint-Herblain), ce qui atténue la croissance propre des villes déjà urbanisées. Mais l'ordre de grandeur reste valable.

En appliquant ce coefficient moyen à nos trois principales villes actuelles, on "devrait" donc trouver aujourd'hui Brest1  et Rennes autour de 300 000 habitants, et Nantes autour de 960 000 habitants !

Carte jpg DP 8068 Paris capitaleC'est bien la progression minimale qu'ont connue des villes européennes ayant en 1800 un niveau comparable, et cela sans faire le vide autour d'elles, bien au contraire. En position intermédiaire avec ses 35 000 habitants en 1800, Francfort en abrite aujourd'hui plus de 650 000. On est loin du compte, notamment pour Nantes dont la population actuelle n'est "que" 3,5 fois celle de 1800, malgré l'annexion de Chantenay et Doulon.

La Bretagne se porterait-elle mieux avec des villes plus grandes ? Ce n'est pas ici mon propos. Habitués à la Bretagne de notre enfance, nous le serions sans doute aussi à cette Bretagne supposée, et aussi rétifs à des changements majeurs ! Mais passons.

Ce qu'il faut comprendre à ce stade, ce sont les relations fortes entre différentes évolutions imposées à la Bretagne pendant la période considérée.

La départementalisation a bridé le développement de nos plus grandes villes en réduisant leur aire d'influence, a rendu difficile la conception et le financement de projets régionaux et ainsi ouvert un boulevard à la centralisation et à la reconstruction de la France autour de Paris. L'instrument majeur de cette reconstruction centralisée aura été le réseau ferroviaire défini par la loi de 1842 et mis en oeuvre sous le Second Empire ...et chaque jour depuis, avec les investissements ininterrompus destinés à accélérer les liaisons avec Paris et dans Paris.

Ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que le bridage de la croissance de nos villes et le chemin de fer centralisé ont fait obstacle à l'absorption sur place de l'exode rural, pour le diriger vers Paris, les colonies, etc, avec pour conséquence la fossilisation de la plupart de nos bourgs et petites villes et le tarissement des flux de marchandises et de personnes qui auraient pu féconder l'activité de nos zones rurales.

Ballon centralisation annoté modifié-1Avec cet éclairage, on comprendra que si on peut opposer la désertification (réelle) de la Bretagne centrale au dynamisme (réel) de la Haute-Bretagne et du collier littoral, on ne doit pas se représenter cette opposition - sinon marginalement - comme résultant d'un transfert de population et d'activités de l'ouest vers l'est de la Bretagne. Les ordres de grandeur l'excluent clairement.

Il est au contraire hautement vraisemblable - à considérer les exemples étrangers - qu'à une Bretagne urbaine moins bridée depuis 1800 correspondrait une Bretagne péninsulaire moins désertée, mieux desservie, avec des bourgs et villes plus actifs. Désertification rurale et bridage imposé des villes sont liés et procèdent des mêmes choix politiques

Prenons le temps d'y réfléchir avant de prendre à notre compte des jugements aussi péremptoires que superficiels, dont la première conséquence est d'affaiblir le combat commun contre la centralisation. C'est lui le combat-clef, qu'il faut organiser et mener dans la durée, notamment en facilitant les flux transversaux internes et externes de la Bretagne.

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(1) - Coefficient appliqué à une population antérieure aux extensions de Lambézellec, Saint-Pierre-Quilbignon et Saint-Marc.

Tag(s) : #Aménagement
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