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Aéroport : l'UDB s'empale (provisoirement ?) sur la centralisation

Un communiqué de l'UDB, diffusé le 18 mai, présente "la position de l'UDB sur Notre-Dame-des-Landes", telle qu'elle résulte des réponse d'adhérents à une consultation interne expliquée par la décision gouvernementale d'organiser une consultation des citoyens sur le sujet.

Ce communiqué me déçoit moins par sa conclusion hostile au transfert de Nantes-Atlantique que par l'incompréhension qu'il traduit des enjeux de ce transfert.

Je suis depuis longtemps ce dossier, et j'ai connu le temps où la contestation du projet était principalement le fait ...des chasseurs ! Et puis on a vu la contestation porter sur l'atteinte "au premier bassin laitier du département" où la vie même des vaches allaitantes était menacée par "le bétonnage de 2000 hectares1", et sur la survie de "centaines d'exploitations", puis - je passe des étapes - sur l'inutilité du transfert compte tenu des "vraies" perspectives d'évolution du trafic, prétendûment surévaluées par la chambre de commerce et la DGAC. Comme, négligeant ces avis, la réalité confirmait le sérieux des estimations, on est passé au coût du projet, évidemment "sous-évalué", puis à la croissance dangereuse de l'effet de serre, aux risques de percussion des cheminées de Cordemais, puis à la recherche de solutions de remplacement : la piste perpendiculaire. Enfin sont apparus des pilotes, cités comme experts généralistes en aviation, affirmant la sûreté de Château-Bougon, et contredisant ainsi les contrôleurs aériens2. Et puis les "zones humides" et leurs tritons à crête qui, prenant le relais des vaches allaitantes, ne pouvaient qu'empêcher la construction, etc. Les recours déposés devant les tribunaux avaient beau tomber les uns après les autres, un argument en remplaçait un autre...

Avec un art consommé de l'agitation, la mobilisation de rue et l'occupation de la ZAD ont suivi. Puisqu'on ne voulait pas de l'aéroport, quel que soit le motif, on a répété à l'envi qu'il s'agissait d'un "grand projet inutile", qui ne pouvait répondre qu'à des motifs inavouables, au premier rang desquels se sont imposés le souci d'enrichir Vinci3 et la satisfaction "d'ambitions personnelles de hobereaux locaux", l'appellation-slogan "Ayraultport" y trouvant un succès particulier.

Mais l'essentiel était de gagner du temps, d'élargir la mobilisation, en rejouant le classique  triptyque provocation-répression-solidarité4, et de créer un abcès de fixation occultant le débat sur le projet lui-même.

Les lourdeurs, rigidités et contradictions de l'État centralisé et leurs corollaires, l'enchevêtrement et l'impuissance des collectivités territoriales, ont ajouté leurs freins à cette course de lenteur. Les années se sont ajoutées aux années pour paralyser la réalisation de ce projet, quand quelques années ont suffi pour passer de la conception du Grand Paris au début des travaux, un chantier autrement pharaonique !

Je suis troublé de voir à quelle vitesse et avec quel apparent soulagement l'UDB a perdu le fil de ses analyses pour adopter le vocabulaire et certains objectifs majeurs des adversaires de l'autonomie bretonne.

Le communiqué du 18 mai évoque ainsi  l'absence de mise en cohérence préalable des infrastructures de transport, le raccordement préalable de Château-Bougon et de Brest-Guipavas au réseau ferroviaire. Mais ces trois questions, en particulier, dont directement liées à la centralisation des transports, qui consacre les moyens publics (État et régions) sur la desserte prioritaire de Paris et rejette les dessertes transversales dans le non fait ou le non entretenu. A quoi peut servir une liaison cadencée entre Nantes et Château-Bougon quand on détricote ou diffère les liaisons ouest-sud et nord-sud de la Bretagne au profit de Paris-Rennes, qui se fait déjà deux fois plus vite que Brest-Nantes (plus court de 90 km). Et quand on ne corrige pas une localisation pénalisante pour les utilisateurs actuels et potentiels de l'équipement.

Le parti dont j'ai apprécié la rigueur intellectuelle semble avoir renoncé à lutter lucidement contre la centralisation, qui ne se résume pas à la répartition des "compétences" ni au refus de la diversité. De la départementalisation à la dernière réforme territoriale, et à côté d'innovations souhaitables, on trouve en fil conducteur la volonté de concentrer au coeur et autour de la capitale la capacité d'accumuler le capital productif de revenus, de richesses, de patrimoine. On a fait des départements assez petits pour limiter les capacités régionales et neutraliser le leadership "naturel" des grandes villes, on a centralisé les transports pour rendre difficiles leurs liaisons et leurs coopérations et faciliter l'orientation de l'exode rural vers la capitale et ses administrations, et doter l'Île-de-France d'un avantage concurrentiel inouï, on a mis l'épargne populaire à la disposition de l'État et au service de ses priorités d'investissement via la Caisse des Dépôts (prêteuse pour le Grand Paris !). Par des régions tronquées ou bidon, on a compliqué les mobilisations régionales. Tous ces choix font système et vident de contenu la notion de souveraineté populaire, avec la complicité de partis politiques eux-même centralisés et distributeurs de carrières et de revenus.

J'ai déjà écrit tout cela, mais on préfère incriminer les mythiques "petits Paris"5 que seraient les grandes villes régionales plutôt que de comprendre, pour mieux la mettre réellement en cause, la concentration voulue du pouvoir et des richesses.

Je n'ai aucune envie de nourrir un conflit sans intérêt avec des camarades dont beaucoup ne sont pas sans mérite ni courage.

Je leur souhaite simplement d'ouvrir les yeux sur les réalités et leur évolution. Elles sont discernables à défaut d'être toujours évidentes.

____________________

(1) - la réalité est à peu près dix fois moindre.

(2) - Le Congrès national de leur principal syndicat, tenu à Pornichet en 2009, soulignait que l'aéroport actuel était devenu "dangereux".

(3) - Pourtant désigné seulement en 2010 par le Gouvernement au terme d'un appel d'offres de 2008 et qui a emporté bien d'autres offres sans contestation majeure (gestion des aéroports de Rennes, Dinard et Quimper, LGV Sud-Europe, 4000 kms d'autoroute, pour se limiter à la France.

(4) - Inauguré dans le dossier en 2010 par l'opposition à l'accès du public local au registres de l'enquête d'utilité publique.

(5) - Alors que c'est l'unicité de Paris qui rend possible la poursuite de la centralisation, et la multiplicité des pôles qui crée les transversales et aide à l'apparition de nouveaux pôles d'activité.

Accidents, manifs, heures de pointe, matches, trafic additionnel dû à l'aéroport... Les risques d'être bloqué sur le périphérique nantais ne sont pas négligeables.

Accidents, manifs, heures de pointe, matches, trafic additionnel dû à l'aéroport... Les risques d'être bloqué sur le périphérique nantais ne sont pas négligeables.

Réponse à GwenR (après destruction accidentelle de notre conversation)

Le transfert de l'aéroport en fait un outil plus efficace contre la centralisation parce que sa position plus au nord :

  • le rapproche du centre géographique de sa clientèle actuelle et potentielle ;
  • limite pour ces usagers réels et potentiels les temps de contournement ou de traversée de l'agglomération nantaise qui prennent 15 à 20 mn aux heures fluides et jusqu'au triple ou plus aux heures et jour de pointes. Et au temps perdu s'ajoute le risque de rater l'avion, et derrière une correspondance ou un rendez-vous professionnels.

Cette réduction des inconvénients accroît l'attractivité de l'aéroport notamment pour les déplacements professionnels, où la mobilité est un atout évident.

Un aéroport plus attractif parce que plus accessible est un aéroport plus fréquenté, où des fréquences de vols plus élevées et des destinations nouvelles peuvent plus facilement être proposées parce qu'il y a en face une demande suffisante.

Dès lors, la région ainsi mieux desservie devient elle-même plus attractive pour les clients de ses activités, le développement de ces activités et l'implantation d'activités nouvelles. 

Pour préciser les nouvelles destinations accessibles, il faudrait que soit levé l'insupportable et abusif "secret commercial" qui protège l'existant en cachant les informations utiles sur les destinations finales des voyageurs embarqués dans les aéroports français. La réalité arrive parfois à percer le mur d'ignorance, comme récemment sur l'importance de la destination Antilles pour les passagers embarqués dans les aéroports bretons (je vais essayer d'en faire un article).

 Je sais bien que l'importance des inconvénients liés au passage de l'agglomération et de la Loire est niée ou minimisée par certains opposants au transfert, mais il suffit de lire la littérature professionnelle des milieux économiques vendéens pour comprendre que les choses sont plus sérieuses. Et ces milieux ne sont pas hostiles au transfert, dont ils perçoivent les probables retombées positive sur des activités situées au sud et même bien au sud de la Loire. Ils sont simplement réticents et en profitent pour demander un ou plusieurs nouveaux franchissements de la Loire, ce qui est de bonne guerre.

Tag(s) : #Centralisation, #Economie, #Politique
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