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Carte A. Houot (Académie d'Aix-Marseille - Non datée, mais situation vers 2010.

Carte A. Houot (Académie d'Aix-Marseille - Non datée, mais situation vers 2010.

La grande ambition des villes françaises d'atteindre la "taille européenne" s'est exprimée naguère avec plus d'insistance qu'aujourd'hui, et il faut sans doute s'en féliciter, car la taille d'une ville n'a d'intérêt qu'associée aux services qu'on peut y trouver.

Pour autant, il est un fait que les grandes villes de France sont moins nombreuses et de moindre taille que celles de la plupart des pays d'Europe occidentale, et que cela mérite explication. En l'occurrence, l'explication est d'autant plus nécessaire qu'il n'en a pas toujours été ainsi.

J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer que les recensements ou évaluations effectués autour de 1800 - plus ou moins fiables selon les pays - plaçaient Nantes et ses 75000 habitants au-dessus de Munich en population, à peu près au rang de Turin, et pas très loin au-dessous de Barcelone. Brest et Rennes, qui comptaient autour de 30 000 habitants, pouvaient se comparer à Francfort.

Un siècle plus tard, les villes françaises avaient largement été doublées par leurs anciennes égales, et ont continué au siècle suivant sur cette lancée de déclin relatif.

Il n'y avait dans cette évolution aucune fatalité : elle est l'effet d'une volonté politique apparue dès le début de la Révolution française et accentuée après le coup d'État que fut l'élimination des Girondins par les Jacobins, pour reprendre un vocabulaire compris, bien qu'approximatif.

Les premières années de la Révolution ont vu les provinces effacées de la carte politico-administrative au profit des départements, voulus plus petits pour en faciliter le contrôle, qui sera bientôt confié aux préfets. L'élimination des Girondins correspondait à la volonté d'empêcher le développement de bourgeoisies régionales susceptibles de contrarier les ambitions de la bourgeoisie parisienne, laquelle se voyait détentrice de fait du pouvoir central. Alors qu'on confinait les grandes villes provinciales dans des petites circonscriptions étroitement surveillées; on dotait Paris d'un statut d'exception, qui en faisait une ville-département, interlocutrice privilégiée du pouvoir d'État.

La disparition des provinces dans ces conditions a entraîné non seulement leur propre sortie de l'espace politique, mais aussi celle de leur bourgeoisie émergente, alors que la bourgeoisie francilienne s'y installait confortablement, pour ne plus le quitter. On peut dire qu'en gros, les régimes post-révolutionnaires successifs ne dureront que pour autant qu'ils n'inquiéteront pas la nouvelle classe dirigeante.

Mais pendant que la France bridait ainsi ses grandes villes, déclassait leur bourgeoisie et limitait ses liens avec leur région, les bourgeoisies locales des pays voisins se développaient et amplifiaient leurs liens régionaux, ébauchant et étayant ainsi ce qui deviendrait des organisations fédérales. Les excédents de population rurales étaient absorbés par les réseaux urbains locaux, aboutissant à des métropoles dignes de ce nom dont l'environnement n'a rien d'un désert. La centralisation des transports rapides à partir de la seconde moitié du 19ème siècle a amplifié encore les défauts du système français, faisant de Paris la gare centrale de l'État, aspirant tout ce qui compte...

Plus qu'une question de population, la "taille européenne" est une histoire et une géographie davantage maîtrisées qu'en France par les populations concernées.

Tag(s) : #Centralisation, #Politique, #Solidarités, #Société
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